Légendes
Longtemps, l’homme, dans ses épreuves et dans ces malheurs a vu la vengeance de mauvais esprits.
Dès le Moyen-âge, les contes et légendes impliquent le diable, qui a pris la place des géants ou des nains de la mythologie. Il représente le malfaiteur, l’ennemi et se tient en montagne où il a été refoulé. La montagne est devenue son refuge. Le peuple voit en lui la force non domptée, surnaturelle.
Rien d’étonnant à ce que les pâtres souvent solitaire sur l’alpe, face aux dangers et à une nature entourée de mystères, aient laissé libre cours à leur imagination au moindre bruit insolite, lors d’un écroulement de rocher, d’une paroi de glace, lors de bruits provoqués par un vent houleux, les cris d’une bête ou tout simplement le craquement d’une charpente.
Lors d’un malheur, ils soupçonnaient aussitôt les mauvais esprits. Ceux-ci hantaient la montagne et la rendaient dangereuses et menaçante. Il ne fallait pas trop s’avancer dans ces lieux perdus. Ils étaient habités par des êtres mystérieux. Des démons, sous les ordres du diable, étaient sources de tous les malheurs. Ils étaient dotés de puissances énormes. L’existence et la crainte du diable était bien ancrée. Il a pris une place importante dans les préoccupations des gens de la montagne, confrontés aux dangers de la nature, souvent isolés dans un monde étrange, confrontés à eux-mêmes. Ils ont désignés de son nom des sommets, des localités, des ponts spectaculaires. Dans la vallée, les lieux-dits « Diablerets, Tête d’Enfer (Azeindaz), Quille du Diable » révèlent ces croyances.
Entourée de mystères, la paroi menaçante se dresse au fond de la vallée. On y rattache des récits fantastiques. Elle passe pour un site maudit. C’est le lieu du sabbat des démons et de tous les mauvais génies. La Quille du Diable (Tour de St-Martin) servait de but ou de quille dans les jeux pratiqués par les démons assemblés. Les blocs lancés contre elle pouvaient déborder et atterrir dans la vallée jusqu’à Vosé ou Anzeindaz. Les pâtres insécurisés auscultaient alors la montagne et invoquaient la grâce divine, persuadés que la montagne était le faubourg du diable et des damnés.
Les habitants de la région prétendaient que ces esprits erraient la nuit avec de petites lumières dans les pentes et couloirs, dans les pâturages et les bois et descendaient en gémissant jusqu’aux villages, vers Aven et Ardon. Ils affirmèrent les avoir vu briller avant et pendant l’éboulement de 1714. Avant la catastrophe ont aurait entendu des bruits sourds, des gémissements, des détonations provenant des entrailles des Diablerets. Les mauvais génies étaient alors en furie. La guerre avait éclaté dans leur sein. Ils se livraient de terribles batailles. Deux parties s’étaient formées, l’une voulant faire descendre la montagne du côté du Valais et l’autre du côté de Berne. Il en résulte un long combat. Les monts s’ébranlent et on entend des craquements à l’intérieur de la montagne.
Extraits de Derborence et la vallée de la Lizerne, Les Légendes – Th. Kuonen
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